Dans le Cher existe le dispositif Léz’arts ô Collège. Il s’agit d’un dispositif accessible à tous les collèges du département et qui vise à encourager le développement des pratiques artistiques et culturelles chez les élèves.
Je n’en avais jamais fait jusque là, mais je me suis lancée après avoir lu Le Choeur Noir de Stanislas Cotton dans le cadre de la sélection pour le Prix des Lecteurs de Théâtre.
Le choix de la classe fut assez aléatoire. Quelques collègues étaient partants : ma collègue de Lettres, le collègue d’Histoire, la collègue d’Arts Plastiques et l’éternelle documentaliste qui accompagne tous mes projets depuis mon arrivée au collège, soutien indéfectible et néanmoins discret. (Qu’elle soit ici remerciée). La classe a donc été choisie en fonction de mes collègues car je n’avais pas de 3e cette année-là. Mon intervention prenait surtout la forme d’un pilotage, mais aussi (et surtout ! ) d’épuisantes heures de théâtre !
Au final, « Le Chœur Noir » a mis en oeuvre un travail collectif et pluridisciplinaire qui a abouti à une lecture théâtralisée de Coro Negro (Le Choeur noir) de Stanislas Cotton par des élèves de 3ème. Pour cela, nous avons fait appel à deux partenaires artistiques et culturels :
- Le Musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges (un partenaire de choix, qui accueille le public scolaire avec une grande bienveillance) ;
- Eric CENAT, metteur en scène (Théâtre de l’Imprévu, Orléans). Nous avions déjà travaillé ensemble lors d’un stage DAAC Orléans-Tours dont j’avais bénéficié, puis lors d’une journée où il était venu travailler avec mes 4e sur Le Cid.
Cependant, pour monter le projet, je me suis appuyée sur Catherine Poncelet, qui faisait le lien avec le musée pour la DAAC, Julien Toureille, alors coordinateur départemental pour le devoir de mémoire. Il est important de rappeler que, devant l’ampleur de la tâche, nous ne sommes pas seuls. Ces deux interlocuteurs ont été forces de proposition et ont enrichi mon projet qui n’en était qu’à l’état d’ébauche quand j’ai sollicité leur aide.
Le projet s’est déroulé en deux temps :
Un temps de découverte et de recherches sur la période historique
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- Recherches documentaires approfondies au CDI sur la déportation ;
- Ecoutes collectives de témoignages de déportés (en audio-book) ;
- Visionnage de quatre films sur ce sujet : La liste de Schindler, La Vie est belle, Le Dictateur, Les Héritiers (Merci l’enseignante de français qui décortique les films pour les élèves ! ) ;
- Lecture et exploitation en classe d’une oeuvre de littérature jeunesse : Sobibor par Jean Molla. (Re-merci l’enseignante qui inclue Sobibor dans sa progression annuelle alors qu’on court après le temps) ;
- Réalisation d’une fiche HiDA pour l’épreuve d’Histoire des Arts du brevet des collèges. Plusieurs élèves ont d’ailleurs choisi de présenter Le Chœur Noir pour leur épreuve de brevet ;
- Une première lecture collective de la pièce au Pôle Arts du Lycée Alain Fournier de Bourges en compagnie du metteur en scène Eric CENAT (une belle rencontre qui a tout de suite engagé les élèves) ;
- Visite de l’exposition permanente du Musée de la résistance et de la déportation de Bourges ;
- Rencontre avec l’ancienne déportée Ginette Sochet au Musée.
Un temps de théâtre et de création
- Pratique théâtrale avec moi-même (1h par semaine) ;
- Réalisation de plusieurs marques page en classe d’arts plastiques, annonçant la lecture théâtralisée (Merci l’enseignante d’Arts Plastiques qui prend sur ses heures pour la réalisation des marques-pages) ;
- Réalisation d’une exposition virtuelle « Raconte-moi les camps » en réalité augmentée sous forme d’affiche à scanner avec l’application smartphone Aurasma. (Pointée vers l’affiche, l’application déclenche en surimpression une vidéo dans laquelle est lu un texte écrit par les élèves. En groupes, ceux- ci ont inventé le passé des objets rapportés des camps, en écrivant à la première personne. Ces objets, présents dans les collections du musée, ont été tout d’abord pris en photo lors de notre visite. Ces lectures ont été enregistrées puis indexées à Aurasma. Moi qui aime allier théâtre et TUIC, j’étais
extatiqueravie ! - Mise en scène de la lecture théâtralisée par Eric Cénat (35 heures d’intervention) qui a abouti à trois lectures théâtralisées dans divers lieux :
- Lors de la cérémonie de remise de prix du CNRD en présence des instances de la DSDEN, du Conseil Départemental, des associations d’anciens déportés et de Mme la préfète (
ce qui ne met aucune pression sur les élèves, non, non, non); - A destination des visiteurs du musée lors de l’événement « La nuit au musée » le 17 mai 2015 ;
- Au Petit Théâtre de la Noue de Vierzon à destination des parents d’élèves et du public le 29 mai 2015.
- Lors de la cérémonie de remise de prix du CNRD en présence des instances de la DSDEN, du Conseil Départemental, des associations d’anciens déportés et de Mme la préfète (
Pari réussi ?
Nous souhaitions toucher une classe de 3ème dans sa totalité, mais nous avions également choisi une classe sans option, réputée assez difficile. C’est en fait la diffusion du film Les Héritiers qui a fortement mobilisé les élèves dans le projet. Le miroir qu’offrait le film d’une classe très agitée remportant le Concours National de la Résistance et de la Déportation (CNRD) a été source de beaucoup de motivation.
Certes tous les élèves ont participé au travail de l’année sur la déportation. Pourtant, oubliant que la date principale se trouvait en plein milieu d’un week-end de pont, certains élèves ont « séché » la première représentation. La principale du collège a fait le choix, difficile mais nécessaire, de ne laisser participer que les élèves qui étaient venus sur ce samedi de pont. Un groupe stable d’élèves s’est ensuite investi jusqu’à la fin du projet, représentations comprises.
Ce choix peut paraître malheureux. En effet, on demande à des élèves de renoncer à jouer sur un projet qu’ils ont porté toute l’année. Mais nous étions également partis sur l’idée que le projet engage, dans tous les sens du terme : tous ceux qui n’avaient voulu être présents en ce week-end de pont n’auraient jamais compris le sens de l’engagement dans le travail collectif si on leur avait permis de raccrocher les wagons par la suite.
Nous sommes bien-sûr très fiers de ce groupe catastrophique attachant mais très agité qui, au fil du travail, s’est pris au jeu du théâtre, au jeu de la transmission du devoir de mémoire qui, à mon sens, est la vraie raison d’être de l’école. Quand une élève qui nous a souvent poussés dans nos retranchements finit par fondre en larme sous la pression du trac quelques minutes avant d’entrer en scène, là commence selon moi le théâtre et sa magie. Le masque tombe alors même qu’il se met.
Et l’équipe éducative ?
Le travail sur la déportation a incité des enseignants à participer au Concours National de la Résistance et de la Déportation cette année, assistant 23 élèves engagés dans le CNRD 2016. Quatre enseignants se sont joints à nous pour encadrer le groupe d’élèves. A ce titre, j’estime notre objectif atteint, le devoir de mémoire entrant petit à petit dans la culture de l’établissement qui aura à cœur de perreniser les actions sur ce thème.
Pour que cela fonctionne, il a fallu…
– L’artiste Eric CENAT qui a su prendre en compte l’hétérogénéité du groupe et a su emporter leur adhésion dès les premières heures de travail ;
– Le musée de la résistance qui a réservé un formidable accueil aux élèves, notamment lors de la représentation, grand moment d’anxiété pour nous tous ;
– Beaucoup de communication dans l’équipe enseignante, et une réelle envie de travailler ensemble. Plusieurs enseignants non-participants ont assisté aux répétitions, ou aux représentations des élèves. Ils témoignent d’une meilleure ambiance de classe au fil de l’année, et nous les remercions pour leur bienveillance vis-à-vis du projet.
Cela aurait pu être mieux si…
– Le budget avait permis à Eric CENAT d’intervenir plus de 35 heures car l’énergie a pu parfois se disperser entre deux interventions ;
– nous avions eu une salle de théâtre pour répéter, avec un équipement minimum pour travailler ;
– Une heure de coordination avait été établie, ou peut-être un Padlet pour centraliser les informations, les recherches…
Pour conclure, si vous êtes en bonne santé physique, et que vous avez de l’énergie et de la bonne volonté à revendre, prenez la première classe sans option que vous trouvez, et lancez-vous ! Au bout du projet, cachés derrière des ados apathiques, on rencontre de jeunes citoyens tout à fait attachants.